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27/10/2013

Fanfarre

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Fanfarre est morte dans la nuit. Tout d'un coup, presque sans prévenir, elle avait vingt ans. Son nom s'écrivait avec les deux r que le paysan qui l'avait vendue lui avait données.

Ici, mes parents pleurent, c'était leur jument, je pleure car elle est ma jeunesse, mes années de jeunesse auprès de mes parents, rythmées par les soins aux animaux le matin et le soir. Mes enfants pleurent, ils la caressaient le soir, au moment où elle mangeait du foin. Trois générations sont dans la peine, mon père lui parlait à l'oreille et elle écoutait.

Je me souviens de la nuit où j'avais dormi dans l'écurie, guettant le début de son travail pour la mise bas, le bruit du souffle des bêtes dans la nuit, de leur mastication, de leurs sabots heurtant le sol, l'odeur du foin, mon incapacité à dormir et finalement au matin la naissance difficile de ce poulain beaucoup trop gros.

Nous sommes allés lui dire au revoir, son grand corps presque froid couché dans le champ où elle broutait la veille. C'est grand un cheval et son corps allongé je l'ai vu comme une montagne.

Nous avons parlé de la mort, des vieux chevaux qui meurent et des poulains qui naîtront au printemps, des hommes qui meurent et des bébés qui naissent tous les jours dans le monde.

Matthias a dit,"ce qui me fait de la peine, c'est qu'elle pourrait encore être en train de manger de l'herbe et se promener dans les champs". J'ai parlé du message qu'elle nous envoyait, depuis son paradis de cheval : continuer à profiter du beau monde qui nous entoure, du soleil qui luit sur les prés, du vent dans les arbres, du silence de la nuit dans les haies, des chevreuils qui passent soudain en sautant les clôtures, de la pluie fine qui fait pousser les champignons.

 Ce soir, nous allumerons notre premier feu de la saison dans le poêle, il saura à coup sûr nous délivrer de ce grand froid qui nous a saisis.

La mort. Et la peine immense de laisser le monde si beau autour de soi, définitivement.

 

 

11/10/2013

le grand virage

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Je ne me sentais pas sûre, pas prête la semaine dernière encore.

Aujourd'hui c'est officiel, je n'irai plus enseigner à mes grands élèves. Nous nous sommes dit au revoir ce matin, c'était émouvant, il y a eu des mercis, des cadeaux, des petits mots écrits. J'ai dû les rassurer, leur dire qu'ils y arriveraient sans moi, que je ne les oublierai pas.

Ils m'ont tant apporté, j'espère qu'après moi on saura les aimer, leur donner confiance, les accompagner sur le chemin de l'art qui est leur vie.

J'ai rapporté leurs cadeaux et les ai posés sur ma fenêtre, il faudra que j'achète un copain au Poisson.

Les enfants peuvent rentrer maintenant, le goûter est prêt et je vais leur dire que je n'irai plus là-bas, que je travaillerai à construire des maisons pour d'autres familles, des maisons en bois avec des grands toits.

Je pense qu'ils seront contents.

Moi je le suis, j'ai la trouille mais je sais que c'est maintenant le grand virage : je suis prête !

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